Potentiel des surfaces résiduelles

Un espace résiduel autour d’une stèle commémorative bordant la chaussée a été réaménagé en petite placette avec des bancs, une poubelle, de la végétation et un revêtement en dalle à Signau (BE) (photo : Mobilité piétonne Suisse).

Exemple

Réaménagement des espaces résiduels dans la ville de Berne

La Ville de Berne s’est dotée d’une vision d’ensemble de ses espaces publics à différentes échelles. La coordination est assurée, entre autres, par un groupe de travail interdisciplinaire (Centre de compétences sur l'espace public KORA) ainsi que des instruments, comme un manuel de planification et d’aménagement des espaces publics, ou un jeu de cartes pour les démarches participatives. Durant la législature 2017-2020, l’exécutif s’est fixé comme objectif de proposer davantage d’espaces pour la rencontre. Sous le leitmotiv « Ville de la participation », il encourage aussi la population à contribuer à l’animation de la ville et des quartiers. Dans certains projets, comme le rond-point de la Bühlplatz, la ville était initiatrice des aménagements, dans d’autres, comme « Pop-up Bern », elle invitait la population à intervenir de manière créative dans les rues de quartiers. Pour la décoration des armoires électriques par exemple, elle associe la contribution d’artistes. Elle favorise souvent des espaces libres de consommation, mais autorise parfois aussi des guinguettes durant la belle saison.

Description

Contexte

Les actions d’embellissement des pieds d’arbre sont souvent proposées sous forme de parrainage ou de concours, comme ici à Bâle (photo : Baumpatenschaft, Canton de Bâle-Ville).

Partie intégrante des rues ordinaires, les surfaces résiduelles ne font en général pas l’objet de réflexions particulières en termes de qualité de l’espace public. Les communes peuvent pourtant contribuer à l’attractivité de leurs rues par de petites interventions rapides, peu complexes et peu coûteuses sur les surfaces résiduelles, parfois qualifiées d’«acupuncture urbaine», notamment par les adeptes du « tactical urbanism ». La nature et la durée des aménagements varient en fonction du statut foncier, de la surface et du budget disponible. Dans les espaces routiers, les surfaces résiduelles sont par exemple les accotements, les carrefours, les ronds-points, les accès aux parkings, les élargissements de trottoirs, les surfaces sous les ponts ou les passerelles ou encore les pieds d’arbre ou les murs.

Offre

Le Centre de compétences sur l'espace public KORA de la Ville de Berne est à l’écoute des demandes de la population et soutient les propositions de projets non commerciaux dans l’espace public. Il met à disposition du mobilier de saison (table, chaise, baby foot…) et ferme parfois des tronçons de rue au trafic ou installe un robinet pour arroser les jardins urbains. Parmi les projets menés, plusieurs aménagements ont été réalisés sur des surfaces résiduelles. En voici quelques exemples :

• Rond-point de la Bühlplatz (image ci-dessus) : situé dans un quartier résidentiel et proche du campus de l’Université, le gazon de ce rond-point est transformé en jardin potager et en espace de pique-nique chaque année de mars à octobre depuis 2017. Des tables et des chaises ont été ajoutées, ainsi que des bacs de jardinage et un raccordement d’eau pour pouvoir arroser. L’entretien est assuré par un groupe d’habitant·e·s.
• Les pieds d’arbre ou des espaces verts résiduels sont fréquemment fleuris ou plantés. Le manuel de planification des espaces publics y consacre un chapitre et garantit que différents aspects soient pris en compte : écologie et biodiversité, usage, fonction d’orientation ou de représentation, entretien ou encore sécurité (visibilité des usager·ère·s de la route).
• Lorsqu’un projet inclus des bas à fleurs, la Ville de Berne met à disposition les bacs et la terre. Les riverain·e·s se chargent de planter et d’entretenir les plantes. Parfois un groupe se constitue pour l’arrosage avant même le démarrage du projet. La ville n’accumule ainsi pas de charges d’entretien supplémentaires et la population aménage à son goût.
• Disposition de mobilier (jeux, bancs) et de végétation dans les surfaces permettant la modération du trafic, comme les resserrements de carrefour (ex. Greyerzstrasse) ou les rétrécissements de chaussée (ex. Jurastrasse).

La surface de chaussée libérée par le resserrement du carrefour à l’entrée de la zone de rencontre de la Greyerzstrasse à Berne est aménagée en petite place de jeu avec un banc (photo : Mobilité piétonne Suisse).

Les rétrécissements latéraux de cette zone de rencontre sont remplis de pots de fleurs disposés et entretenus par les habitant·e·s de la Jurastrasse à Berne (photo : Mobilité piétonne Suisse).

Expériences

La Ville de Berne s’inspire de la planification agile (« agile design »), pragmatique et réactive, en recourant à une multitude de méthodes. Les expériences tirées des aménagements temporaires et à courts termes sont collectées et alimentent les projets prévus à plus long terme, dans un processus d’apprentissage continu. 

Les aménagements sur des surfaces résiduelles démontrent la forte demande en matière d’espace public, le besoin de « prolonger son salon à l’extérieur », en étant actif et en s’appropriant l’espace, par exemple avec des potagers urbains (« urban gardening »). Deux chaises sur le bord de la rue suffisent parfois à générer de nouvelles interactions sociales. On peut donc apporter beaucoup de qualité à moindre frais.

Le rond-point de la Bühlplatz a par exemple débuté comme aménagement test. Au vu des retours positifs et de l’usage intense qu’en font les personnes en charge de l’arroser mais aussi le reste du quartier, il n’est aujourd’hui plus envisageable de démanteler cet îlot de verdure. Même durant la pandémie du Covid-19, il reste très utilisé.

La participation population fonctionne en général bien, surtout lorsqu’une volonté d’entreprendre quelque chose est déjà présente. Il faut veiller à ce que personne ne soit exclu de l’espace concerné en raison de l’aménagement et bénéficier du soutien du voisinage. Il est pour cela indispensable d’informer les riverain·e·s au préalable et de leur permettre d’exprimer leurs craintes ou leurs critiques. Les réalisations provisoires ont l’avantage de permettre d’interrompre le projet si son déroulement se passe mal. A Berne, cela ne s’est encore pas produit. La Ville de Berne a par ailleurs une expérience très positive, avec très peu de vandalisme sur les différents mobiliers mis à disposition, notamment un baby-foot et une table de billard (Monbijouplatz). 

Les quelques chaises mises à disposition et le tronçon de route temporairement fermé au trafic à la Schenkstrasse à Berne suffisent à ce que la population s’approprie ces espaces en complétant avec son propre mobilier (photo : Ville de Berne).

Une table de billard a été mise à disposition sur l’îlot routier de la Monbijouplatz durant l’été (photo : Ville de Berne).

Effets

Environnement et énergie

Afin de tenir compte des enjeux environnementaux et climatiques, les villes veillent aujourd’hui à encourager les modes de déplacement durables comme la marche et le vélo et à végétaliser les espaces urbains. Les surfaces plantées contribuent à l’attractivité des réseaux piétons et cyclables et à diminuer les îlots de chaleur et la pollution. Les aménagements de surfaces résiduelles de la Ville de Berne s’inscrivent clairement dans une vision de renforcement de la biodiversité et des réseaux écologiques, comme exposés dans ses différents instruments de planification, d’aménagement et d’entretien.

Société

Afin d’inciter à se déplacer ou faire des promenades à pied ou à vélo, les itinéraires doivent être sûrs et accessibles pour tout le monde. Mais « rendre possible » d’autres moyens de déplacement ne suffit pas pour convaincre à changer de mode de transport : il faut donner envie, c’est pourquoi les mesures visant à renforcer l’attractivité des itinéraires sont nécessaires. Lorsque les surfaces résiduelles sont aménagées au travers de processus participatifs, elles contribuent à renforcer l’identification au quartier et facilitent l’appropriation par la population. L’attractivité des rues joue en outre un rôle central en matière de promotion de l’activité physique au quotidien. Les bancs relais permettent par exemple aux personnes âgées ou à mobilité réduite de se reposer sur leur trajet à pied (voir cas pratique de Mobilservice "Diagnostic marchabilité et siège relais")

Economie

Le financement constitue généralement l’un des principaux freins à la revalorisation de l’espace public. Or, intervenir sur les espaces résiduels nécessite des moyens financiers très réduits. La commune peut de plus confier une partie du travail de réalisation et / ou d’entretien à la population. Par ailleurs, l’attractivité des quartiers est un critère essentiel de localisation résidentielle pour les nouveaux habitants. Particulièrement remarqué lorsque des artistes sont associé·e·s à la démarche, ou qu’une offre de restauration temporaire est installée, l’aménagement des surfaces résiduelles représente aussi un atout pour le secteur touristique. L’office du tourisme de Berne a par exemple mis en valeur les « Pop-Up » avec possibilité de se restaurer dans une publication spéciale pour l’été 2019.

Outils

Démarche

Un plan prévoyant de réaménager un certain nombre de surfaces résiduelles par année permet d’atteindre des résultats visibles et appréciés. Il est possible d’inclure les mesures de valorisation des surfaces résiduelles dans une stratégie d’ensemble sur l’espace public, qui recouvre davantage de types de mesures, comme l’affectation de places de stationnement à d’autres usages, par exemple les programmes de « Plazas et Parklets » sur des places de stationnement et des voiries aux États-Unis, ou dans le plan Paris piéton, qui propose, entre autres, des installations sportives sous les ponts routiers dans sa stratégie des « lieux singuliers » (APUR, 2017). Lorsqu’un réaménagement onéreux est envisagé à moyen ou long terme, commencer par une réalisation temporaire a l’avantage de permettre de tester des propositions sans passer par un permis de construire. Dans le cas où la population contribue à la conception, la réalisation ou l’entretien, la phase de test est l’occasion de vérifier l’adéquation de l’aménagement avec les attentes en termes d’usage.

Financement

Un réaménagement de surface résiduelle est généralement bon marché et les coûts peuvent être couverts par le budget d’investissement courant de la commune. Une stratégie avec un plan de réalisation sur quelques années permet d’optimiser les coûts de coordination, de communication ou d’entretien et peut alors nécessiter l’obtention d’un crédit. Les mesures peuvent aussi être incluses dans des projets de réaménagement ou d’assainissement de la chaussée, leur coût est alors minime comparé aux montants des travaux.

Marketing

Les actions participatives, ludiques ou artistiques sur l’espace public produisent de très bonnes images pour les actions de promotion et les médias, car elles sont esthétiques et illustrent l’animation des rues par la population. Les actions sur l’espace public en ville de Berne sont documentées clairement, avec des personnes de contact et du matériel pour les médias, sur les sites internet des services concernés. Des communiqués de presse des autorités annoncent les projets et expliquent leur lien avec la politique d’espace public de la ville. Pour les habitant·e·s, des panneaux d’information informent sur les actions en cours, notamment les possibilités d’y contribuer, leur durée et clarifient les éventuelles modifications sur la circulation.

Informations complémentaires

Liens

• Ville de Berne, Tiefbauamt, Gestaltung und Nutzung (de)
• Ville de Berne, Centre de compétences sur l'espace public KORA (de)
• Manuel de planification et d’aménagement des espaces publics, Ville de Berne, 2017 (de)
• Parrainages des pieds d’arbre à Bâle, avec un concours en 2016 (de)
• Exposition temporaire en plein air «Intervenire» à Muri (AG), 2018 (de)
• Canton de Vaud, Actions pour la durabilité dans les communes, fiche «Jardins de poche» (fr)
• Cas pratique de Mobilservice «Diagnostic marchabilité et siège relais» (juin 2017)

Adresse de contact

Ville de Berne
Tiefbauamt, Bereich Gestaltung + Nutzung
Bundesgasse 38, Postfach
CH-3001 Berne
Tél. 031 321 64 75
www.bern.ch/tiefbauamt (de)

Demandez conseil auprès des représentants de Mobilservice Pratique de votre canton.

Responsable de l’élaboration de ce cas pratique :  

Mobilité piétonne Suisse
Association des piétons
Klosbachstrasse 48
CH-8032 Zurich

Tél. 043 488 40 30
www.mobilitepietonne.ch

Documents en allemand

• Broschüre "Restflächen aufwerten, Pocket Parks und Co, Dem Gewöhnlichen Zauber verleiehen" (Fussverkehr Schweiz 2019) [PDF, 5.37 MB]

Documents en français

• Brochure "Valoriser les surfaces résiduelles Espaces publics de poche et autres enchantements de l’ordinaire" (Mobilité piétonne Suisse, 2019) [PDF, 4.12 MB]